La prévention des risques psycho-sociaux (2)

lundi 15 septembre 2014
par  C.THOMAS
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On pourra lire le début de cet article ici

La prévention de l’usure professionnelle, autre action très volontariste

Petit historique...

2003 : pour que les personnels ne soient pas happés par la difficulté du travail, il nous a paru indispensable qu’en plus de toutes les formations mises en oeuvre et centrées sur le travail, les salariés soient informés de l’évolution du contexte médico-social ; une formation sur la loi 2002 qui fonde le cadre général de l’action sociale et remplace la loi de 1975 a donc été suivie par un groupe de salariés.

2004 : mise en place d’une cellule d’écoute prévention maltraitance, espace neutre et confidentiel, animé par la psychologue ou le psychiatre de l’établissement et que tout salarié peut solliciter pour parler de ses propres difficultés avec les résidants et bénéficier d’un soutien pour prévenir des attitudes qui pourraient s’apparenter à de la
maltraitance ; sont également évoquées des situations dont il aurait pu être témoin et qui pourraient être qualifiées de situation à risques de maltraitance. Dans les 2 cas la notion de confidentialité est posée d’emblée.

2005 : démarrage des formations sur la prévention de l’usure professionnelle appelée aussi burn-out, module annuel de 3 jours pour un groupe de 10 salariés ; À ce jour quasiment tous les personnels ayant plus de 2 ans d’ancienneté ont bénéficié de cette formation.

2009 : mise en place de séances d’analyse de la pratique sur chaque équipe éducative toutes les 6 semaines ; auparavant cette démarche était mise en place ponctuellement à l’occasion des préoccupations du moment qui nous semblaient difficiles à régler par les ressources internes de l’établissement (chef de service, psychologue, psychiatre....)

Par ailleurs, afin de maintenir les liens d’appartenance et de solidarité, il était nécessaire de réfléchir à l’intégration des nouveaux embauchés, afin que chacun puisse se sentir rapidement intégré dans l’équipe et soit le plus rapidement opérationnel dans l’accompagnement du quotidien. cette idée a débouché sur la mise en oeuvre d’un circuit d’accueil des nouveaux salariés.

L’accueil des nouveaux embauchés, véritable parcours d’intégration

L’organisation d’un établissement comme la MAS est assez complexe, aussi il nous a semblé qu’un circuit d’accueil faciliterait la connaissance de la structure par le nouvel embauché. Être informé des caractéristiques organisationnelles de l’établissement, repérer les personnes ressources, trouver et comprendre les documents à utiliser, intégrer les différentes séquences du déroulement de la journée, mais également avoir un aperçu de la philosophie de la maison tels sont les principaux axes qui sont communiqués le jour de l’arrivée du salarié.

Après avoir pensé la culture de l’établissement, les liens d’appartenance et de solidarité, l’intégration des nouveaux arrivants, les espaces institutionnels permettant de prendre du recul sur sa pratique, il convient de présenter l’adaptation de l’organisation du travail au métier. Ce dernier point est essentiel car l’organisation du travail doit être spécifique aux risques psychosociaux du champ concerné et se réguler par rapport à ces risques.

L’organisation du travail

Souplesse des équipes : mise en place dès 1998 du principe d’une rotation interne des personnels de l’établissement, 2 personnes tous les 2 ans quittent leur unité de travail pour aller travailler dans une autre unité cela permet de limiter les risques d’appropriation des résidants, d’installer une routine qui pourrait confiner à de l’immutabilité, de figer les pratiques. C’est également des regards neufs mais expérimentés qui arrivent sur les unités car les personnels tout en ayant intégré une connaissance parfaite de l’établissement peuvent réinterroger les accompagnements mise en place par leurs collègues. Il arrive que ce turn-over se fasse naturellement par l’absence de salariés qui se trouvent en congés maternité ou congés parentaux, des démissions, des promotions, des déménagements... dans ces cas là, le turn-over institutionnel cède le pas au turn-over naturel.
Gestion concertée de l’organisation des horaires de service : depuis 15 ans, les plannings sont construits en collaboration étroite avec les personnels et les représentants des personnels. Les critères incontournables sont posés par la direction (temps de repos entre 2 services, nombre de personnes à la prise de service du matin et du soir, nombre de week-end travaillés....) puis les salariés volontaires pour participer à ce travail se retrouvent et élaborent les divers scénarios. Ces 2 ou 3 scénarios sont alors proposés et les personnels font connaître leurs choix
préférentiels auprès du délégué du personnel et de la direction. Nous veillons à ce qu’il y ait la plus grande équité possible des charges de travail confiées à chacun (nombre de matinées, nombre de soirées, nombre de week-end travaillés).

Rédaction dès 2002 d’un manuel sur la prévention des risques préfigurant le DUER, document réalisé par un groupe de travail composé de salariés volontaires représentant les divers services (ergothérapeute, infirmière, aide soignante, direction, éducateurs...) Ainsi initialement 3 thématiques ont été abordées :

  • les risques inhérents à l’architecture de l’établissement,
  • les risques liés aux pathologies des résidants
  • les risques liés aux conditions de travail.

Ce document interne sert de « bible » aux salariés afin de connaître les préconisations de l’établissement par rapport à certains risques et aux mesures préventives qui existent. Il sert de canevas de présentation lors du circuit
d’accueil des nouveaux embauchés. Ce groupe de travail existe toujours, les professionnels sollicités ont également changé plusieurs fois et aujourd’hui sa principale mission est de rédiger le document unique, de le faire vivre mais
également de faire des propositions de formations :

  • prévention des TMS
  • manutention des personnes
  • secouriste-sauveteur L’ergothérapeute a passé le monitorat « manutention de personnes malades » et constitue un préventeur efficace auprès des personnels.

La collaboration avec la médecine du travail nous a permis de lancer des enquêtes lombalgies en 2005 et TMS (troubles musculo-squelettiques) en janvier 2010 sur l’ensemble des personnels ; ce travail de collaboration permet au médecin d’avoir une meilleure appréhension des problématiques de notre travail et nous aide à mettre en place un plan de prévention des TMS ; Nous travaillons également avec lui dans les cas de risque d’inaptitude, pour trouver des solutions permettant d’éviter un licenciement pour ce motif. Il s’agit alors de trouver un poste au sein de l’association favorisant le maintien en activité du salarié tout en limitant ses risques d’exposition.

En 2009, démarrage des entretiens annuels : une démarche plus participative est initiée à savoir la co-construction des fiches de poste avec les personnels et la direction. Des groupes de travail par métier sont alors associés à la construction de leur fiche de poste préalablement élaborée par le siège de l’association.

Une politique de formation volontariste : depuis 15 ans le parti pris dans la démarche de formation est celui des actions collectives ; en effet, comment gérer le paradoxe d’accueillir la population la plus lourdement handicapée avec le personnel le plus légèrement qualifié du secteur médico-social ? (2/3 de personnel de niveau BEP et BAC et quelques personnes de niveau Bac +3, hormis le plateau technique constitué de l’équipe médicale et paramédicale).
Le renforcement des compétences des salariés se fait de 2 façons : Des formations collectives délivrées par des formateurs externes sur des thématiques spécifiques aux pathologies des résidants accueillis : Polyhandicap, austisme, communication par pictogrammes, techniques d’accompagnement par des approches de stimulation
sensorielles (snoezelen, balnéothérapie, massages, relaxation)...

D’autres formations collectives concernant l’organisation de l’établissement sont mises en place tels que par exemple : utilisation de l’outil informatique, manipulation des extincteurs, manoeuvre d’évacuation de l’établissement, perfectionnement des métiers (AS)

2eme type de formation, celles qui sont délivrées par nos propres personnels (la plupart du temps issus de l’équipe paramédicale) par exemple : les techniques de prévention des fausses routes, les techniques de manutention des personnes, l’hygiène des mains, les formations aux intra-rectales, l’utilisation des équipements de gastrostomie...

Chaque année 70 à 80% du personnel bénéficie de l’une ou l’autre et parfois des 2 types de formation. Cette politique a l’inconvénient de privilégier essentiellement les formations collectives au détriment des formations individuelles ; malgré tout, quelques formations individuelles sont toujours possibles dès lors qu’elles concernent un domaine très ciblé dans la prise en charge de notre population.

La politique de recrutement

Seules les personnes dûment diplômées sont embauchées en CDI ; celles qui ne le sont pas peuvent se voir proposer des formations qualifiantes de type contrat de professionnalisation, notamment sur le métier d’Aide médico-psychologique à raison de 2 à 3 personnes par an, ces personnes sont ensuite embauchées en CDI.

Par ailleurs, dans l’entretien d’embauche les savoir-faire liés au coeur du métier sont évalués mais également les savoir-faire annexes sont recherchés, des centres d’intérêt permettant ultérieurement de proposer aux salariés des missions complémentaires.

Dernier point, depuis la mise en place des fiches de fonction, nous matérialisons très concrètement les missions spécifiques confiées à des personnels volontaires et intéressés :

  • gestion et accueil des stagiaires des écoles d’éducateurs spécialisés, moniteurs, aides soignants, AMP.
  • Planification de toutes les activités à visées éducatives pour les usagers
  • Gestion des personnels de services généraux notamment sur le plan de la mise en place de protocoles liés à l’hygiène
  • Elaboration des plans de santé publique, prévention de la légionellose
  • Organisation des séjours vacances de tous les résidants (une trentaine de séjours par an)
  • réalisation de tous les pictogrammes de communication des résidants. ....

L’intérêt de confier des missions spécifiques réside notamment dans l’identification d’une personne référente, qui est alors l’interlocuteur privilégié de l’ensemble des intervenants ainsi que le garant de la pérennité de la mission. Ce dispositif permet de lutter contre le délitement des différentes actions mises en place, phénomène classique dans les institutions où le « y a qu’à, faut qu’on... » est roi. Il s’agit aussi pour la personne qui accepte la mission, d’un enrichissement des tâches qui aide à lutter contre la routine.

La création d’un accueil de jour a permis un management particulier de ce service en offrant une bouffée d’oxygène possible pour les personnels d’internat. En effet, il crée des conditions inédites du fait des horaires
réguliers 9h00-16h00. Plutôt que d’offrir ces places à une équipe nouvellement embauchée, ce sont des salariés de l’internat qui, sur la base du volontariat, ont pu bénéficier de ce rythme attractif. Malheureusement cette expérience se terminera vraisemblablement en 2013 du fait d’un agrément provisoire. Celui-ci, donné par l’ARS ne sera pas reconduit du fait de l’ouverture d’un établissement de même nature à proximité.

Conclusion

Notre axe de prévention des RPS (risques psycho-sciaux )s’incarne en 10 points :

  1. 1. La prise en compte des besoins du résidant et la spécificité de son accompagnement liée à sa très grande dépendance et vulnérabilité
  1. 2. Des actions professionnelles centrées sur l’usager et la connaissance de ses pathologies (formations) ;
  2. 3. L’évaluation de la nature des tâches à accomplir, leur pénibilité, leur aspect déplaisant et les actions à mettre en oeuvre pour y faire face
  3. 4. Un état des lieux des catégories socioprofessionnelles en présence et l’identification des points de compétences avérées et celles à renforcer
  4. 5. Une organisation du travail basée sur l’équilibre des charges de travail entre les salariés, une répartition équitable des plannings, des remplacements effectués à bon escient, le non rappel sur des congés payés
  5. 6. Une politique des ressources humaines qui réfléchit sur les parcours professionnels, les perspectives d’évolution des salariés au sein de l’association, une volonté de ne recourir qu’à des professionnels diplômés et si nécessaire participer à leur qualification.
  6. 7. Des relations de travail basées sur la concertation avec naturellement les représentants du personnel et surtout l’ensemble des salariés, des espaces de soutien et de paroles bien repérés dans l’institution. Une équipe de cadre disponible
  7. 8. Une politique générale de l’établissement clairement explicitée : des orientations à 5 ans annoncées au travers de la démarche qualité et des plans d’action à mettre en place.
  8. 9. Un environnement apaisé avec nos interlocuteurs, notamment les parents de résidants avec lesquels un climat de confiance se construit pas à pas. Un Conseil à la vie sociale qui fonctionne régulièrement.
  9. 10 Une direction clairement engagée aux côtés des salariés
  10. En résumé la prévention des risques psycho-sociaux est un processus qui se construit lentement ; l’établissement a connu toutes les difficultés et les vicissitudes caractérisant une activité de travail. Plus de dix années ont été nécessaires pour construire le dispositif que je viens de vous présenter et pourtant rien n’est définitivement acquis.

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